Le rôle du pharmacien dans les 1 000 premiers jours de l’enfant

INTERVIEW Myriam Grondin -Hoquette

Docteur en pharmacie – Diplôme interuniversitaire de Lactation Humaine et d’Allaitement Maternel – Consultante en lactation IBCLC

Sommaire

1️⃣ Quelle est, selon vous, l'importance des 1000 premiers jours de l’enfant pour sa santé à long terme, et comment les pharmaciens peuvent-ils y contribuer ?

Les capacités sensorielles et les compétences du fœtus se développent dès le début de la grossesse.

A la naissance, le bébé a des réflexes archaïques mais également des capacités psychologiques / motrices, ainsi qu’une sensorialité qu’il affine si son environnement est adapté, sécure, et lui permet de créer de l’attachement.

Un enfant doit être nourri dans tous les sens du terme  :

Au niveau comportemental 🧠

au niveau comportemental, la stimulation précoce des bébés et des bambins leur permet d’acquérir une meilleure plasticité neuronale (apprentissage, concentration, mémorisation, adaptation, gestion des relations…) d’où l’importance du maternage.

Le pharmacien intervient, par sa fonction, à tous niveaux sur cette période des 1000 premiers jours ;

au niveau nutritionnel, le Plan National Nutrition Santé (PNNS 4) fait des recommandations pour une «alimentation satisfaisante pour tous» dont l’allaitement maternel, qui apporte tous les nutriments indispensables au bon développement du bébé mais plus encore, puis l’introduction de la diversification alimentaire entre 4 et 8 mois, en complément du lait maternel.

En effet, notre métier de proximité et de relation de confiance vis-à-vis des patients nous permet d’échanger avec eux, de répondre à leurs questions, de proposer un entretien pharmaceutique pendant la grossesse, de vérifier qu’ils aient bien les informations nécessaires (médicales ou autres, suivi de grossesse, suivi pédiatrique…), de les accompagner dès la naissance et à tous les stades de la croissance de l’enfant et parfois juste de les soutenir sur les phases plus compliquées

2️⃣ Quelles sont les principales questions ou préoccupations des jeunes parents lorsqu’ils viennent à la pharmacie concernant leur nourrisson ?

Effectivement de nombreuses questions vont surgir à la naissance de bébé car la société a tendance à idéaliser la venue au monde d’un enfant via les réseaux ; cette arrivée au sein d’une famille a pourtant tendance à chambouler le quotidien des parents, d’une famille !

Les questions les plus fréquentes en officine portent sur la nutrition de l’enfant, le sommeil de l’enfant (et par voie de conséquences des parents !), les petits maux de bébé comme les régurgitations, les « coliques », le transit, mais aussi les pleurs de bébé qui sont très variables.

Le bébé est un individu à part entière avec, son tempérament, ses compétences, ses besoins physiologiques plus ou moins exacerbés. Il a besoin d’être porté, cajolé, consolé, rassuré pour devenir plus tard un enfant puis un adulte serein, confiant en lui et « acteur du monde ».

💡 N’oublions pas en tant que professionnel de santé, la période post partum est une période fragile émotionnellement et hormonalement pour la jeune maman ; un suivi par une sage-femme et du soutien bienveillant familial et médical est indispensable.

3️⃣ Quels conseils donnez-vous aux parents pour gérer les petits maux fréquents des tout-petits (coliques, poussées dentaires, troubles du sommeil) tout en privilégiant des solutions sûres et adaptées ?

💤 les troubles du sommeil :

Le rythme de sommeil d’un bébé est très différent de celui d’un adulte. Là où un adulte suit un cycle de 24 heures (rythme jour/nuit), le bébé a des cycles plus courts, de 3 à 4 heures. Ce n’est pas un trouble du sommeil, c’est simplement son rythme naturel !

Il est important d’en informer les parents : le secret pour mieux vivre cette période repose sur les siestes et sur le fait de demander de l’aide quand c’est nécessaire.

A partir de 2 ans, le sommeil de nuit qui était fragmenté, va se consolider progressivement.

Protéger et aider les jeunes parents (leur faire la cuisine, le ménage, les courses…), revient à protéger et aider l’enfant par voie indirecte ; cette solution est sans conteste la meilleure pour tous !

Cependant, pour les enfants plus grands (au-delà de 1 an) et de façon très ponctuelle, il existe des sirops, des infusions de plantes calmantes et relaxantes qui favorise un sommeil plus calme, mais aussi des médicaments homéopathiques qui favorisent l’endormissement, la tranquillité.

Rappelons qu’un sommeil de qualité chez l’enfant nécessite :

👉 un rituel extrêmement répétitif: « routine du dodo » à heure fixe et dans un contexte serein, 

👉 qu’il est déconseillé de les mettre devant les écrans avant au moins 3 ans (campagne de Santé Publique) et encore moins pour les « faire dormir ».

👉 qu’il est très fortement recommandé de faire dormir les bébés de moins de 6 mois à proximité de leurs parents, dans la même chambre. Cela facilite la gestion des réveils nocturnes et limite le risque de mort subite du nourrisson.

Le sommeil, c’est la vie !! ✨

🍼 Les coliques :

Il faudrait déjà définir « coliques »…un bébé qui pleure n’a pas forcément des coliques !

Les coliques , ce sont des troubles digestifs spasmodiques qui engendrent des douleurs, un inconfort et des pleurs, et qui surviennent pour les bébés après une tétée ou un biberon de PCN (préparation commerciale pour nourrissons) mais qui peuvent aussi disparaître d’elles-mêmes.

Le système digestif du nouveau-né est immature à la naissance. Il fonctionnera à partir de l’accouchement, et sera colonisé par des bactéries différentes selon la voie d’accouchement mais aussi selon le mode de nutrition infantile choisi ; en effet, un allaitement maternel favorise la construction d’un microbiote plus sain et plus adapté au bébé humain car l’intestin sera colonisé par les bactéries maternelles principalement.

Les coliques sont souvent déconcertantes et déroutantes pour les parents qui se sentent désemparés face aux pleurs et aux douleurs de bébé.

Il est possible de proposer des massages très doux (bouts des doigts) et effleurant, du tube digestif avec une huile de massage neutre et ceci dans le sens des aiguilles d’une montre.

Il est également envisageable de proposer de l’homéopathie, des probiotiques (notamment si la mère a eu une césarienne), certains compléments spécifiques validés. En revanche, on évitera les tisanes de plantes avant 4 mois.

Il serait intéressant de vérifier le débit de lait et de savoir si le bébé a bien des pauses respiratoires efficientes pendant ses repas qu’il soit au sein ou au biberon car un débit trop rapide fait avaler plus d’air que nécessaire et engendre de l’inconfort digestif ultérieur.

🦷 Les poussées dentaires :

Passage obligatoire, les poussées dentaires sont souvent des moments difficiles et douloureux. La première dent de lait pousse en général entre 4 et 7 mois mais ces chiffres sont une moyenne. Une gestion de la douleur par du paracétamol en format pédiatrique, des massages des gencives par des produits pharmaceutiques appropriés et de l’homéopathie suffiront à passer le cap.

4️⃣ Comment le pharmacien accompagne-t-il les familles dans le choix et l’utilisation des produits de puériculture, comme les laits infantiles ou les soins pour bébé ?

Chaque pharmacie est libre de travailler les gammes de parapharmacie qu’elle souhaite et de ce fait, le choix peut être très variable. Il est en revanche intéressant de ne proposer aux femmes enceintes que des produits conçus pour elles, ou des produits naturels basiques (par exemple de l’huile d’amande douce bio pour hydrater sa peau) car les perturbateurs endocriniens, nombreux, ont un impact sur la santé de la mère et du fœtus. Des ateliers Nesting sont proposés dans la plupart des établissements de santé de La Réunion.

Pour les bébés, privilégier les marques spécifiques mais également les produits les plus neutres possibles (coton, liniment oléocalcaire, gels douche bébé…) Le site https://www.projetfees.fr/ est riche d’enseignement!

En ce qui concerne les Préparations Commerciales

pour NourrissonsPCN– plus couramment appelés « laits pour bébés », les marques sont assez nombreuses sur le marché, leur fabrication très contrôlée en France et en Europe; la publicité sur les PCN 1er âge est interdite afin de préserver le choix de l’allaitement et le Code de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel devrait être connu de tous les Professionnels de santé.

En tant que consultante en lactation, j’encourage principalement l’allaitement maternel mais je soutiens chaque famille dans ses propres décisions.

Je tiens juste à rétablir une vérité, le lait de sa maman est l’aliment le plus adapté à un bébé, et la composition des PCN, bien que réfléchie et contrôlée, ne correspond en rien à la composition du liquide biologique vivant qu’est le lait maternel.

5️⃣ Face à l’évolution des besoins et des attentes des parents, quelles initiatives ou formations spécifiques avez-vous mises en place dans votre officine pour mieux répondre à leurs demandes ? 

Nous restons à l’écoute des parents et de leurs demandes ; Nous avons un rayon puériculture divers avec plusieurs marques de produits bébés et nous privilégions des conseils personnalisés.

Nous proposons des entretiens femmes enceintes ainsi que des consultations d’allaitement ; nous faisons le « mois du bébé » chaque année et nous orientons les parents vers des lignes d’écoute, des rencontres de parents si nécessaire. L’équipe officinale est formée à l’allaitement maternel, à la parentalité et au maternage.

Par choix et par conviction, pour favoriser et promouvoir l’allaitement maternel, les PCN 1er âge ne sont pas accessibles aux patients mais sont sur demande au comptoir.

6️⃣ Pensez-vous que le pharmacien joue un rôle clé dans l’éducation des parents à adopter des pratiques de santé préventive pour leur enfant ? Si oui, comment cela se manifeste-t-il au quotidien ?

Le pharmacien pourrait jouer un rôle clé en travaillant en coordination pluriprofessionnelle avec les médecins, les sage-femmes, les acteurs de la petite enfance dans leur globalité.

Promouvoir les campagnes de santé publique sur la parentalité et la pédiatrie, répondre aux parents en quête de réponses, expliquer le développement de l’enfant, savoir orienter les parents vers des professionnels adaptés, fait partie intégrante de notre métier.

Je pense en revanche, qu’il serait intéressant de revoir les cours de préparation à l’accouchement ou plutôt d’intégrer des cours sur la parentalité, le développement du nouveauet de l’enfant, de discuter des attentes des parents pour une vision plus réaliste et plus vraie de l’enfance et du rôle de parent.

Que le pharmacien devienne ce relais, ce serait formidable !

« La profondeur de l’amour des parents pour leurs enfants ne peut être mesurée.

C’est une relation sans pareille. Elle dépasse le souci de la vie elle-même.

L’amour d’un parent pour son enfant est continu et transcende le chagrin et la déception. »

– James E.